- SHADILIYYA
- SHADILIYYASH DILIYYAPremière confrérie musulmane à avoir vu le jour au Maghreb, la Sh diliyya (ou Sh duliyya) est postérieure aux trois confréries mères qui ont surgi au XIIe et au XIIIe siècle, au Proche-Orient: la Q diriyya, la Rif ‘iyya et la Suhrawardiyya. Elle eut pour fondateur Ab l- ネasan al-Sh dil 稜, né à Ghumaira, près de Centa, en 1196, et mort en haute Égypte, sur les bords de la mer Rouge, en 1258, au retour du pèlerinage à La Mecque. Disciple d’Ibn M sh 稜sh (mort en 1228) et, par lui, de l’Andalou Ab Madyan, qui mourut à Tlemcen en 1197, al-Sh dil 稜 se fixa d’abord, en 1228, dans un village près de Tunis appelé Sh dila, dont il adopta l’ethnique. Malgré la protection du sultan ムaf ルide, il subit la persécution des ‘ulam ’ locaux à cause de sa trop grande influence sur le peuple. Il se réfugia alors à Alexandrie, où sa prédication connut un succès considérable. Chaque année, il se rendait en pèlerinage à La Mecque, réalisant ainsi l’idéal du shaykh-s ’i ム (gyrovague). On lui attribua de grands pouvoirs thaumaturgiques, et de nombreuses légendes illustrent sa vie, qui a été écrite la première fois par son deuxième successeur, Ibn ‘A t ’ All h (mort en 1309).L’Andalou al-Murs 稜 (1219-1287) lui succéda, puis Ibn ‘A t ’ All h al-Iskandar 稜, qui fut le véritable théoricien de la confrérie. Aucun traité, en effet, ne paraît avoir été composé par le fondateur, à qui l’on prête cette parole: «Mes livres, ce sont mes compagnons et mes disciples.» On ne possède de lui que quelques lettres et quelques propos recueillis sous forme de maximes ou de prières incantatoires, tel le fameux ムizh al-Da ムr (incantation de la mer), connu de tous les membres de la confrérie.La doctrine de la Sh diliyya est dans la ligne d’une dévotion islamique intériorisée. Elle ne préconise aucune discipline ascétique rigoureuse et repose sur cinq principes fondamentaux: la crainte de Dieu; la conformité absolue à la Sunna ; le détachement total du monde; la résignation en toutes circonstances; le recours à Dieu dans la joie comme dans la tristesse. Elle conseille un juste milieu: «La faim, la veille, le silence, la retraite sont recommandés, écrit Ibn ‘A t ’All h dans ses Maf khir , mais il ne faut pas qu’il y ait des excès dans ces privations. On doit s’arrêter quand elles deviennent une cause de souffrances physiques. Il faut y recourir comme à un remède, quand le besoin se fait sentir.» Telle était, en effet, la pensée du fondateur, qui conseillait à ses disciples de combiner leurs occupations professionnelles avec les actes de dévotion prescrits par la confrérie. Cette attitude pratique, qui s’éloigne des usages des s f 稜 se claustrant dans la retraite, explique en partie le succès que connut la Sh diliyya dans la suite.L’affiliation du néophyte à un shaykh est, comme dans toute confrérie, un acte fondamental de la Sh diliyya: «Obéis à ton shaykh, dit une maxime d’al-Sh dil 稜, avant d’obéir au souverain temporel.» Le rituel consiste essentiellement dans la célébration des louanges au fondateur (le maître suprême) et surtout dans le dhikr de la première partie de la profession de foi (shah da ): «Il n’y a de Dieu que Dieu», répétée inlassablement soit individuellement soit en groupe. Ibn ‘A t ’ All h fut le premier, parmi les Arabes, à écrire un traité (al-Maf khir ) sur la technique du dhikr et son importance pour la spiritualité de la confrérie. Selon lui, la mémorisation (dhikr ) indéfiniment répétée de la shah da doit normalement aboutir à l’entrée de la partie supérieure de l’être dans la divinité.Outre cet ouvrage et les biographies d’al-Sh dil 稜 et d’al-Murs 稜 (La レa’if al-minan ), on doit à Ibn ‘A t ’ All h l’opuscule des ネikam (Sentences) qui connut un succès prodigieux et qui contribua grandement au développement de la Sh diliyya. Ce recueil renferme des maximes très variées, d’ordre ascétique et mystique, et des invocations (mun j t ) à Dieu d’une grande profondeur spirituelle. Il n’est pas étonnant qu’il soit devenu le «bréviaire des Sh dilites» (P. Nwyia).La Sh diliyya s’est développée surtout dans le nord du continent africain. Elle est la souche mère de plusieurs confréries. En Égypte, quatorze branches différentes se rattachent à elle. Au Maghreb, on la retrouve largement représentée en Tunisie, où la zawiya du Jall z (Tunis) garde les vestiges du séjour du fondateur. De nombreuses confréries dérivent d’elle, telles que, parmi les plus connues, les Isawiyya (dont la fondation remonte au XVe siècle), les Wazz niyya (Maroc, XVIIe siècle) et l’éphémère confrérie ’Alawiyya, qui, fondée en 1920 à Mostaganem, eut quelque succès durant l’époque coloniale auprès de certains Européens.La vitalité de ces confréries est très diverse suivant les pays et les classes sociales. Certes, elles n’ont plus l’influence qu’elles connurent dans le passé ou qu’elles détiennent encore en certains pays de l’Afrique subsaharienne. Cependant, les femmes, notamment par leurs visites aux tombeaux des saints personnages, attachent une grande importance aux usages de la confrérie; la classe populaire, surtout en Égypte, aime les célébrations des mawlid qui attirent une grande affluence et elle trouve dans la dévotion prescrite par les confréries la satisfaction de son besoin d’intercession; quelques intellectuels même ne répugnent pas à s’associer à des séances de dhikr . Seuls, les Wahh bites et les musulmans stricts condamnent ces dévotions, qu’ils considèrent comme des bid’a (innovations blâmables). Les excès de certaines confréries, comme celle des Isawiyya (connus sous le nom de Aïssaoua), ont jeté le discrédit sur les réunions de ces groupements religieux. Néanmoins, il en est aujourd’hui, telle la Sh diliyya, qui connaissent un renouveau auprès des jeunes soucieux d’intérioriser leur foi.
Encyclopédie Universelle. 2012.